LE TEKROUR

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Ecoles au Sénégal
14 September 2020
Le Royaume du TEKROUR

Le Tékrour (aussi connu comme : Tekrour, Tekrur ou Takrur) est un ancien État d’Afrique de l’Ouest concurrent de l’empire du Ghana, attirant le commerce de l’or par la route longeant l’Océan Atlantique. Situé dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal, on y pratique le commerce de l’or (exploité dans la région du Bambouk), du sel d’Awlil et des céréales du Sahel, ainsi que de la traite des Noirs. Le royaume se convertit à l’islam au xie siècle.

Selon des sources portugaises, vers 1510, l’or du Tekrour alimente deux caravanes annuelles qui par le Fezzan amènent en Égypte le métal jaune « en grande quantité ».

 

ORIGINE DU NOM

 

Le mot Tekrour apparaît dans les textes arabes (xie – xiie siècles) pour désigner un État, mais aussi une ville ou un souverain. Plus tard, les écrits portugais du xve siècle précisent qu’il s’agit d’un État situé à l’est du Djolof sur le fleuve Sénégal (rio Çanagua). Par déformation le mot Tékrour, serait à l’origine de Toucouleur.

 

Selon Niang, l’origine comme la formation du terme « Tekrur » ou « Takrur » associe en réalité les noms des deux plus anciennes provinces du Fuuta : « Law » + « Toor », car, de leur association, on obtient : « Takroor » / Tak-roor /, avec la forme « Tak » qui est variante de « Law », tandis que « roor » est la base qui évoque le nom de l’ancien royaume « Tooro » (Toor-o) .

 

 

LA SITUATION POLITIQUE

 

 

Histoire ancienne des Sérères et Histoire des Sérères du Moyen Âge à nos jours.
Le Fouta, depuis le ive siècle, connaît des pouvoirs politiques plus ou moins liés aux empires constitués dans le Soudan occidental. Cependant, dès le xiiie siècle et le xive siècle, les dynasties sont indépendantes de ces empires.

 

 

La première dynastie est la dynastie peul de Dia Ogo ou des Diao, installée dans le Tekrur au ixe siècle. Elle aurait duré 130 ans d’après Siré Abbas Soh. Leur origine et leur installation dans la région ressortent de la légende. Ils gouvernèrent sous la souveraineté ou dépendance de l’empire du Ghana. Voici ce qu’en dit Yoro Boly Dyâo de cette dynastie Dia Ogo : « … c’est cette migration qui aurait apporté avec elle dans le pays l’industrie métallurgique. Les forgerons donnent au fer obtenu dans leurs fourneaux le nom de hogo. Si l’on remarque que ce mot fait partie de « Dyahogo », on ne peut manquer de voir là un argument en faveur de la véracité de la tradition. Les gens de cette migration étaient armés de sagaies, sabres, poignards et couteaux en fer ; ceux des grandes familles avaient des armures complètes de ce métal. C’est également cette migration qui aurait inauguré la culture du sorgho (gros mil) dans les terrains d’inondation du fleuve Sénégal. On dit que le roi d’Égypte sous lequel eut lieu cette migration se nommait Paté Lamine (Ptolomée). Ces deux noms réunis ou pris isolément sont d’un emploi fréquent chez les Sossé (Mandingues), les Malinké, les Peuls, les Khassonké, les Sarakhollé ; ils sont d’un emploi moins fréquent en pays ouolof. »

 

 

Vers 980, la dynastie des Mannas a succédé à celle des Dia Ogo. Elle serait d’origine soninké et aurait duré trois siècles jusque vers 1300. Ses origines se situent à Nioro, dans le royaume de Diarra actuel (Mali).

 

 

Les Tondyons (1300-1400) sont la troisième dynastie du Fouta, d’origine sérères.

Au xve siècle, des familles autochtones se sont succédé pour constituer les dynasties Laam Taaga, d’origine berbère, Lemtouna ensuite. Il s’ensuit la conquête du Tekrour par le Bourba Diolof Thioukly Djiglane Sarré Ndiaye qui pendant la période 1456-1506 gouverna le Tekrour grâce à ses gouverneurs tributaires comme les Farbas et les Lam-Toros. Il y avait plusieurs Farabas comme le Farba Walaldé qui est un Dieng, le Farba Ndioum, le Farba Ndiowol qui est un Diop, le Farmbaal et le Farba Awgal.

À ces dynasties a succédé celle des Dényankobés qui est fondée par Koli Tenguella (qui, par huit fois, échoua dans sa conquête du royaume de Farba avant d’y parvenir à la neuvième et d’épouser une des filles du Farba et finalement laisser le pouvoir à Diam Diam Sargane), vers le milieu du xvie siècle (1559) et durera jusqu’en 1776, date à laquelle une dynastie théocratique (dynastie Torodo) fondée par Souleymane Baal la remplacera.

 

 

SURVOL HISTORIQUE DU FOUTA

 

 

Le Fouta, partie intégrante de ce monde en évolution, c’est une suite de siècles vivants de gens et de choses. Nos traditionalistes reconnaissent qu’ont successivement régné sur le Foûta (de 850 à 1559) :

  • Les Diâ Ogo ou Oukka venus du Nord Syrie (Siré Abbâsse), sont les premiers à introduire la culture du gros mil. Ce sont aussi les ancêtres de nos bijoutiers, selon Abdoullây Kane.

Leur dernier roi est tué par Wâr Diâbi fondateur de la dynastie Manna.

  • Les Manna seraient originaires de Diâra, des Diakité ayant étendu leur suzeraineté sur le Foûta. Leur roi Wâr Diâbi mort en 1040 est le premier islamisateur du Tékrour.
  • Les Tondiong (captifs de l’Empire Mandingue?) vers 1300. Des Tondiong sont des Sérèr mélangés aux Diâ Ogo. Avec des Mandingues ils contribuèrent au renversement des Diakité de Diâra au profit des Diâwara. C’est à l’époque des Tondiong que furent introduits les titres d’origine mandingue (Farba) et que fut fondé l’Empire du Diolof.
  • Les Lâm Termès (invasion). Du Hodh au XVème siècle, arrivent les :1 - Lâm Termès (1400-1450) avec une troupe composée de: Peuls, Soninké, Mandingues. Ils mirent fin à la domination des Tondiong. 2 - Puis les Lâm Tâga, à la tête de la tribu Peul métissée de Maures. L'un de ces Lâm Tâga, Moûssa Eli Banâ, s'installant à Guédé, dont il fit sa capitale, devint le Lâm Tôro. Les Déniyankôbé (1559-1776). En 1559, l'unité politique n'était pas réalisée. En effet la rive droite sous la domination des Lâm Termès et des Lâm Tâga et la partie de la rive gauche aux mains des Lâm Tôro, tout le reste du Foûta était sous la domination des Diâwara de Diara, qui, eux-mêmes après avoir échappé à la suzeraineté mandingue, étaient passés dans la mouvance de l'Empire Songây.

 

Le chef Peul Ténguella, père de Koli, nomadisant au Kingui, est tué en 1512 par Amar Komdiago, frère de l’Askia Mohamed de Gâo. Au Badiâr, les bandes se reforment sous le commandement de Koli, fils de Ténguella, au nord du Foûta Dialon.

De là, conquête du Foûta et l’agrandissement au dépens du Kaniâga et de la partie orientale du Diolof. Au Bambouk, défaite infligée par Mamadou II.

Koli domina le fleuve de Dagana à Bakel.

Déni, d’ou est tiré Dényankobé, est la mare ou auraient campé les troupes de Koli avant d’entreprendre la conquête du Foûta.

  • Derniers princes. Les Tôrodbé, ces orants, sous l’égide de Souleymân Bâl, docteur des lettres coraniques, renversent le régime païen.

 


Deux sources peuvent être exploitées pour retrouver des bribes d’histoire sur le Tékrour :

 

 

  • Les sources autochtones, la tradition orale
  • Les sources écrites étrangères, arabes et portugaises, notamment

 

 

Voici quelques éléments que nous raconte la tradition orale :

 

 

  • La conquête des Almoravides musulmans a bouleversé l’ordre animiste établi …….
  • Les siècles qui suivirent le début de l’ère chrétienne ont laissé peu de traces dans la mémoire collective, malgré l’importance des évènements d’alors, notamment la diffusion des techniques métallurgiques et l’introduction de nouvelles cultures.
  • Selon des traditions recueillies auprès de tribus mauritaniennes du Trarza et de l’Adrar, des populations noires vivaient au nord de leur implantation actuelle, jusqu’au voisinage de l’Atlas marocain, venues de la Cyrénaïque vers le 2ème siècle, pour atteindre le Hohd vers le 7ème siècle, avant de se réfugier dans le Tékrour un ou deux siècles plus tard.
  • Vers le 8ème siècle ces populations ont créé le premier royaume soudanais connu, le Ghana ou Wagadou, situé aux Nord des boucles divergentes des fleuves Niger et Sénégal.
    Un autre royaume apparaît à la même époque, celui du Gdiaga, entre le haut Sénégal et la Falémé, connu sous le nom de Galam.
    Ses fondateurs auraient combattu les « Dya Ogo » du Tékrour, libéré, donc, à cette époque, de la tutelle du Ghana et dominant le Galam. Une importante migration s’en suit de Serer et Wolof vers le Sud, et de Peuls vers le Fouta Djallon.
  • A la ruine du Wagalou puis du Diara (Kaniaga), à l’émancipation des royaumes autrefois tributaires du Ghana, tels que le Gadiaga, le Tékrour et le Sosso, succède la montée en puissance de l’empire du Mali, à partir du 13ème siècle, marqué par le roi du Mandé qui « s’emparait de tout le butin qu’il désirait » puis, surtout, du roi Soundiata. Lequel empire était bien structuré.
  • Le Royaume du Tékrour a traversé ces périodes troubles de reflux de populations noires, de migrations cycliques des peuls, de dispersions des soninkés, et d’extension des peuples mandings.
  • A-t-il réussi à développer une civilisation originale et une unité culturelle ?
  • La chronique orale du Fouta, propre aux Toucouleurs et aux Peuls, évoque le Füta du Toro, et son roi, Dya Ogo, un nom donné plus tard au fer obtenu dans les fourneaux, ce qui expliquerait la domination des peuls sur d’autres populations, Serer, Wolof, Lébou et Soninké, du fait de leur maîtrise de l’extraction du fer.
  • En tout état de cause, on note une poularisation des populations du Fouta au 10ème siècle. Les « Toucouleurs » se désignant comme « ceux qui parlent peul » sans pour autant se considérer comme appartenant à l’ethnie peule.
  • Il est probable que l’islamisation du Tékrour au début du 11ème siècle est à l’origine du déclin de la dynastie ; la suite des évènements est marquée, d’après des écrits arabes, par un souverain inconnu de la tradition orale, War Diabi, fils de Rabis, devenu souverain du Tékrour et qui se serait converti à l’Islam. 

 

  • La dynastie soninké des Manna aurait régné sur le Tékrour du 11ème au 12ème siècles avant une forte perturbation provoquée par les invasions consécutives à l’ascension de l’Empire du Mali, marquée par les dynasties du Tondyon, de Lam termes, du Lam Taga et du Lam Toro. Cela se passait aux 14ième et 15ième siècles.

 

 

Voici quelques éléments issus des textes arabes et portugais :

 

 

  • C’est du début du 8ème siècle que date la première mention écrite connue du Soudan, par Wahb Mannuabbih.
  • Des arabes font une incursion au Soudan en 734.
  • Des pasteurs berbères, les Sanhadja, constituent une vaste confédération étendue depuis l’Atlas marocain jusqu’à l’Adrar de Mauritanie.
  • Vers 836, ils étendent leur autorité sur les groupes négro-africains installés autour d’Awdaghost.

Le 11ème siècle est marqué par l’épopée almoravide. Une violente guerre sainte a lieu en 1 042 à travers l’Adrar et le Tagant mauritaniens, à laquelle se joignent des armées noires venues du Tékrour motivées par leur opposition au Ghana. En 40 ans, le Soudan, le Sahara, le Maghreb et l’Espagne sont balayés par cette invasion.

  • Le Tékrour s’y est sans doute associé jusqu’en Espagne, notamment lors de la bataille de Zallaka en 1086 où des fantassins « portant épées, boucliers et javelots » probablement originaires du Tékrour,  semèrent le trouble dans les rangs des chrétiens.
  • Faute d’organisation administrative, l’unique tentative d’Etat transsaharien échoue. Le chef Abou Bakhr tente de rassembler les berbères au Sud mais meurt dans le Tagant en 1 087, laissant, selon la légende peu crédible, une femme toucouleur enceinte de celui qui deviendra Ndiadiane Ndiaye, le fondateur du Djolof.
  • Une des rares évocations écrites sur les dynasties du  Tékrour évoque l’appartenance du Tékrour, vers 1340, à l’Empire manding.
  • El Bekhri est le premier à révéler l’existence de la ville de Tékrour : « immédiatement après Sanghana et dans la direction du Sud-Ouest, se trouve la ville de Tékrour, située sur le Nil (le Sénégal était alors considérée comme un bras du Nil) et habitée par des nègres ;
  • Fiers de l’islamisation forte du Tékrour, les auteurs arabes eurent alors tendance à appeler ainsi tout le Soudan.
  • Un écrivain corrige la chose en ces termes : « le souverain du Mali est celui que les gens de Misr (Egypte) connaissent sous le nom de roi du Tékrour ; mais quand il s’entend appeler ainsi, il en est froissé, car le Tékrour n’est que l’une des régions de son empire ».
  • En 1506 les premiers explorateurs portugais situent avec précision le Tékrour dans la moyenne vallée du Sénégal et précisent qu’au peuple gyloffa (Djolof) s’ajoute une nation qui s’appelle Tucuroes …. Et c’est une multitude.
  • Deux textes évocateurs nous rapprochent de Podor : 
    • « Les navires remontent ce fleuve seulement jusqu’au royaume de Tuculor que la marée atteint à 60 lieux de l’embouchure »
    • Delafosse situe l’ancienne capitale du Tékrour vers Podor

 

L’islamisation du Tékrour 

 

L’islam du Tekrour commence, selon El-Bekri vers 1040 quand le roi du Tékrour s’est converti à l’Islam. A cette époque, et par la suite, on note que la succession au Tékrour se fait de père en fils.

  • Cette islamisation a provoqué l’exode des populations sérers, que, d’après les textes, on peut situer entre le 12ème et le 13ème siècle, d’abord vers le Djolof, puis vers le Sine ;
  • Le Tékrour fut le premier pays du Soudan à être islamisé mais toute la population n’était pas islamisée pour autant ; des reflux ont été observés au 14ème siècle, au 16ème,

·         L’Islam progresse, le voilà victorieux avec la mise en place des Almâmi, chefs religieux et politiques. On construit alors des mosquées, installe des imâms. On porte la guerre sainte chez les Maures, au Wâlo, au Câyor, au Boundou, etc. Le premier Almâmi, cet arbitre, mieux, un père qui aime et châtie à l’occasion, est tué à Goûriki Samba Diôm (après 30 ans de règne). Les règnes de ses successeurs sont généralement courts.

 

 

 

 

Le Tékrour dans le commerce transsaharien

 



C’est du quai de Podor que nous nous rapprochons ici, avec ces bribes d’histoire que nous livrent les textes :

  • Jusqu’en 1125 le Tékrour participe activement aux échanges soudano méditerranéens. La ville de Tékrour est décrite par El Idrissi, un géographe très connu de l’Occident musulman médiéval, comme étant, en 1 054, plus grande que Silla, et plus commerçante.
  • Des pistes sont alors tracées, connues et pratiquées, passant notamment par Kukdam, située à 10 km à l’Est d’Atar.
  • Le Tékrour est alors considéré comme le pays de l’or, que l’on peut y acquérir en quantité. Vendu à poids égal contre du sel, du verre et du plomb !
  • En 1310 Ibn Azi Zar souligne : l’or est abondant dans leur pays, mais ils ne savent pas l’employer. Ils utilisent de préférence le cuivre qui leur est importé et que les marchands mettent à leur disposition »
  • Théodore Monod a découvert en 1964 une caravane de cuivre dans le désert mauritanien qui prouve l’importance de ce commerce, jadis : 2085 barres de laiton de 470 grammes datées au radiocarbone : fin du 11ème siècle. Ces mêmes écrits arabes n’évoquent pas, à l’inverse de la tradition orale, la fonte autochtone des minerais métallifères pourtant très développée dans le Tékrour.
  • L’apparition et la diffusion de la métallurgie du fer en Afrique occidentale est traditionnellement objet de débats.
    • Pour les uns elle vient de Meroë, capitale du royaume kush sur le haut Nil, où le fer était travaillé dès le 3ème siècle avant J-C.
    • D’autres y voient une origine berbère ;
    • D’autres encore pensent qu’elle est autochtone et se réfèrent à Nok, au Nigeria, où la production du fer apparaît 400 ans avant J.-C.

 

 

 

 

En résumé, l’histoire du Tékrour serait marquée par :

 

 

  • De 800 à 1000 après JC, les dynasties des Dya Ogo
  • De 1000 à 1100, les dynasties des Djabi, avec l’islamisation,
  • De 1100 à 1300, les dynasties soninkés des Manna,
  • De 1300 à 1400, les dynasties serer des Tondyon,
  • De 1400 à 1450, le règne des Lam termes, suite à une invasion peule et soninké, suivie du morcellement du Tékrour

 

En 1881, le Foûta Sénégalais passe entièrement sous domination française.

Le 18 Juin 1858, soumission du Dimâr

Le 18 Juin 1860, soumission du Tôro et du Damga.

Le 18 juin 1977, soumission du Lâw et des Yrlâbé-Hebbiyâbé.

Le 18 Juin 1881, soumission du Bôsséyâ et du Nguénâr.

Le dernier Almâni Siré Bâbaly dit Boûbou Aba maintenu dans ses fonctions avec investitures officielle (1881) est mort en 1890 à Diâba, son village natal.

 

 

 

Sources

Lesoleil.sn

Textes extraits du livre de Bruno Chavane : Villages de l’ancien Tékrour
(Recherches archéologiques dans la vallée moyenne du fleuve Sénégal)

Karthala c.r.a.